Nous avons besoin d’oxygène !

Une raison souvent invoquée pour justifier les nouveaux projets de BTP en ville est qu’il faut limiter le morcellement des campagnes. Portée par Cécile Duflot, la loi ALUR (pour l’accès au logement et un urbanisme rénové) du 24 mars 2014 s’est fixée entre autres objectifs la densification des zones urbaines, « construire là où sont les besoins » et « lutter contre l’étalement urbain ». Nous en payons aujourd’hui les conséquences. Si l’on peut comprendre aisément la nécessité de préserver les terres agricoles, cette loi insuffisamment réfléchie et préparée a engendré des dommages  non calculés. Outre que la loi ALUR fait le bonheur des promoteurs (qui n’en avaient pas réellement besoin, vu le bétonnage généralisé antérieur) et des banques, elle n’a prévu aucun garde-fous pour préserver la biodiversité et la nature en ville, absolument nécessaires à la survie d’une grande partie de la population concentrée en ville. Cette loi ravive la défiguration des paysages urbains déjà connue dans les années 1970 et toujours présente dans notre quotidien.

 C’est donc aux élus locaux de prévoir une politique intelligente pour préserver un cadre de vie agréable et développer une politique active de promotion de la biodiversité en accord avec la COP 21 et les orientations nationales de transition écologique. L’environnement n’est pas la politique qui coûte le plus cher, sauf quand il faut réparer les dégâts (destruction ou pollution).

Densification ou désertification ?

La densification devait permettre à la fois de résoudre la « crise du logement » et de garantir la protection de l’environnement en évitant d’artificialiser davantage les sols.

On peut légitimement s’interroger sur les réels besoins en terme de construction quand l’on connaît le chiffre des logements vides en Ile-de-France (voir carte des logements vacants).


Vue aérienne de l’Ile-de-France    

Mais surtout quelle est la définition retenue pour l’étalement urbain ? Anéantir des espaces publics verts n’est-ce pas une forme d’étalement urbain ? La densification ne devrait-elle pas signifier la meilleure utilisation de ce qui est déjà artificialisé ? C’est-à-dire la rénovation des logements délabrés, l’aménagement des constructions existantes, l’amélioration du cadre de vie pour donner envie à de nouveaux habitants de venir occuper des logements actuellement laissés vides ?

A l’Haÿ-les-Roses, où la densité urbaine est déjà grande, on le voit sur l’image aérienne ci-dessous, quatre espaces verts sont menacés : les abords du parc de la Roseraie en centre-ville, le square Léon Jouhaux (marché Locarno), le square Lallier (future gare) et le square Baudin.

 
L’Haÿ-les-Roses, vue du ciel                                   Espaces verts menacés en rouge

Cette politique d’aménagement par la destruction des espaces verts ne prend pas du tout en compte les enjeux de la ville de demain qui sont :

  • la gestion des ilots de chaleur dans un contexte de réchauffement climatique et de densification urbaine
  • la réduction des émissions de gaz à effet de serre (lors de la COP 21, l’objectif lancé était de limiter à 2°C le réchauffement climatique d’ici 2100)
  • le contrôle de la qualité de l’air et de l’eau
  • la réduction des nuisances sonores
  • le maintien et le développement de la biodiversité en ville

Or le maintien et la plantation des arbres dans la ville sont nécessaires pour répondre à toutes ces problématiques. En effet, un arbre au cours de sa vie stocke du CO2 et rejette de l’oxygène, c’est le phénomène bien connu de la photosynthèse. Il participe ainsi à renouveler l’air que nous respirons tout en fixant des polluants atmosphériques, en purifiant l’eau et en stabilisant les sols. De plus, les zones arborées constituent des ilots de fraîcheur car les arbres stoppent par leur feuillage les rayons du soleil et rafraichissent l’atmosphère par évapotranspiration. Arbres, arbustes, haies et bosquets sont autant de milieux naturels permettant d’abriter des espèces d’oiseaux, de petits mammifères, d’insectes qui contribuent à entretenir un écosystème. (Les rôles de l’arbre en ville)

A Paris, le moindre espace de verdure ou coin ombragé préservé suscite étonnement et engouement parfois à la limite du ridicule. Nous aussi serons-nous étonnés bientôt de voir un arbre ou un carré de verdure à l’Haÿ?

Un espoir est cependant permis quand on voit que dans de nombreux parcs parisiens, la tendance est à la gestion différenciée, c’est-à-dire un jardinage doux qui laisse la nature reconquérir une partie des espaces. La redécouverte et le maintien d’espèces végétales d’Ile-de-France aujourd’hui en voie de disparition est devenue l’une des priorités. La nature et le sous-sol de notre région sont d’une richesse incroyable et méritent d’être préservés.

Des outils de sauvegarde de la biodiversité existent déjà…

Ces enjeux sont bien compris des scientifiques, par certaines associations et institutions. Des outils juridiques et réglementaires ont même été élaborés à l’échelle nationale. Parmi les dispositifs existants, on peut recenser la trame verte et bleue (TVB), les schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) ou encore les atlas de la biodiversité (ABC).

  • Trame verte et bleue (TVB) et Schéma Régional de Cohérence Écologique (SRCE)

La trame verte et bleue est un concept qui permet d’identifier et de reconstituer des continuités écologiques entre réservoirs naturels et corridors verts. Le SRCE donne les grandes lignes de continuité à respecter à l’échelle de la région. Il s’agit de le compléter dans les documents d’urbanisme locaux (PLU notamment). Or à l’Haÿ-les-Roses ce travail n’a pas été fait et il n’en est même pas question.

Pour en savoir plus sur ces dispositifs et d’autres encore, le site de la DRIEE.

Un exemple réussi de trame verte et bleue, Nantes métropole : https://www.youtube.com/watch?v=gS3kyPaCC1k&feature=youtu.be

  • Atlas de la biodiversité communale (ABC)

Les atlas sont des opportunités à saisir pour les riverains (habitants et élus) afin de prendre conscience de la biodiversité de l’environnement local. Il s’agit de rassembler les connaissances disponibles sur le milieu naturel de la commune et de les compléter par des inventaires et des cartographies qui demandent la participation de tous les habitants qui le souhaitent. Ce dispositif doit naturellement déboucher sur des actions de préservation de la faune et de la flore au niveau de la commune et de l’intercommunalité.

Pour plus d’information, la page des atlas de la biodiversité sur le site du ministère de la Transition écologique et solidaire.

D’autres propositions émergent comme les zones urbaines vertes (PLU de Paris 2016) ou les coefficients de biotope (déjà expérimentés à Berlin). Les administrations ou les élus n’ont cependant qu’un seul leitmotiv « combien ça coûte? » ou bien encore « l’équilibre des finances publiques ».  Alors il faudrait commencer par ne pas détruire le peu de végétation qui subsiste, c’est le capital d’oxygène qui nous reste pour que nous puissions continuer à vivre dans les villes.

L’Haÿ-les-Roses possède un potentiel écologique qui ne demande qu’à être reconnu et valorisé : elle bénéficie du parc départemental de la Roseraie, du parc de la bièvre et de sa coulée verte, d’une promenade verte allant de l’autoroute au boulevard de la Vanne, de multiples sentiers traversant les quartiers résidentiels, sans oublier ses jardins privatifs tout aussi nécessaires à la continuité écologique. C’est tout ce réseau vert, qui une fois connecté pourrait constituer notre trame verte et bleue et permettre à la biodiversité de circuler et à nos poumons de respirer. A condition de ne pas raser le moindre espace vert présent. Alors, COP 21 et lutte contre le réchauffement climatique ou bétonnage galopant ? C’est aujourd’hui que se fait le choix.

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Le saviez-vous ?

Des études outre-atlantique ont montré que :

  • un arbre mature effectue le même travail de rafraîchissement que 5 climatiseurs  moyens fonctionnant 19 heures par jour (Johnston
    et Newton, 2004)
  •  pour ce qui est de l’absorption de CO2, un petit arbre absorbe 16 kg/an tandis qu’un grand arbre en absorbe 360 kg / an (en raison de la surface foliaire qui est multipliée). Il faudrait donc 23 jeunes arbres pour tenter de compenser ce seul service écologique rendu par un arbre mature (Mcpherson et Simpson, 1999 cités dans Gosselin, 2015). Si on souhaite procéder à la plantation d’arbres de plus grande taille, donc plus âgés, il faut savoir que leurs chances de survie sur leur nouveau site seront beaucoup plus faibles que s’il s’agit de jeunes arbres en raison des pertes racinaires lors de la transplantation. La compensation de la perte d’arbres matures est donc très ardue. Voilà pourquoi il importe de tout mettre en œuvre pour les protéger et de procéder à la plantations de jeunes arbres le plus tôt possible !
    Cf. https://vivreenville.org

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